Texte Unique :
Inspire. Expire.
Ma respiration est courte. Elle ne se calme pas. J'ai si peur. J'aimerais tellement rentrer chez moi...
Un monstre hideux me poursuit depuis que j'ai tenté d'effectuer un rituel de magie noire. Je n'aurais jamais pensé que cela fonctionnerait ! Vous l'imaginez ? Un cercle de farine orné d'une étoile à six branches, de l'encens, un peu de sang et une incantation magique donnant naissance à une bête pareille ! Maintenant, je peux tout à fait le concevoir. Après tout, ce n'est pas comme si une chose noire et visqueuse se faufile entre les bâtiments de Cryona et me poursuit à la trace. De ce que j'ai pu observé avant qu'elle ne m'attaque, la créature que j'ai invoqué est amorphe. Elle n'a ni d'yeux, ni d'oreilles, ni même une bouche. Et malgré cela, elle reste une vision horrifiante à mon goût.
Le dos plaqué contre le mur, je regarde devant moi et essaie de faire fonctionner mes neurones. Comment s'en débarrasser ? Comment la semer ? Je suis bien trop terrifié pour réfléchir. Mes muscles veulent m'abandonner à un moment si crucial ! «
Aller, Alex ! T'es un grand homme de 18 ans ! Tu n'es pas une chochotte ! » Mais je ne trompe personne avec mon air paniqué. Je le sais pertinemment : bientôt je vais mourir. Éventré ou dévoré ? Cela n'est pas encore décidé.
Désespéré, voilà ce que je suis. Je l'entends encore sillonner les rues désertes. Comment se fait-il qu'il n'y ait pas d'âme qui vive ? «
Il les a déjà tous dévorés. » me répond ma conscience. Je n'arrive cependant pas à le croire. Ma famille, mes amis... Ophélia aussi... ? Je n'ai pas encore pu me confesser à elle ! Quel gâchis ! Moi qui pensait lui offrir un poème écrit de ma main et une rose artificielle... Une douleur me vrille la poitrine et j'entends encore le bruit mouillé des pas de la Chose.
Un gémissement d'effroi s'échappe d'entre mes lèvres. Si je le pouvais, je crois que je me soulagerais dans mon pantalon noir. Je serre les dents et joins mes mains dans une dernière prière. Dieu, laissez-moi vivre ! Je n'ai pas envie de mourir ! Je suis trop jeune, je n'ai encore rien vécu ! Je vous le jure, j'arrêterais les--...
Un grognement étrange interrompt mes pensées. Celui-ci me fait trembler de la tête aux pieds. Je n'en ai encore jamais entendu de semblable jusqu'à aujourd'hui. Une sorte de hurlement qui se situe entre celui de la souffrance et du rire sadique. Pas de temps à perdre, je lève le camp.
Je me remets à courir à perte d'haleine. Tant pis si mes pas et mon souffle sont trop bruyants. Je ne fais que retarder l'échéance finale. D'un moment à l'autre, la bête risque de me rattraper. Un pan de mur me sourit, je m'y dissimule dans l'ombre afin d'attendre que le monstre s'en aille. Mes vêtements noirs et la nuit tombée m'offrent des meilleures opportunités.
Soudain, dans les ténèbres du ciel nocturne apparaissent des étincelles colorées. Des survivants ! Ils me montrent la voie ! Je reprends espoir : ils ont dû être alertés dès les premiers signes de danger. Il faut que je m'y rende au plus vite : je suis sûr que je pourrais me débarrasser de ce cauchemar trop réel à mon goût !
Jetant un coup d'œil en arrière, je m'élance droit devant moi et pique un sprint jusqu'au lieu où les feux d'artifices ont explosé. Je ne me serais jamais cru d'une si grande rapidité. Je vois au loin le portail d'un abri de fortune. Des réfugiés à l'avant me font signe d'accélérer mes pas. Certains ont la face déformée par l'horreur. Je n'ai pas envie de voir ce qu'il y a derrière moi. Des frissons me parcourent, mes jambes me font lâchement tomber.
Merde.L'instant d'après, je suis emporté au-dessus du petit groupe qui s'est formé. Une poigne puissante et visqueuse me tient dans les airs. Mes cheveux bruns me voilent la vue. Mes oreilles sont meurtries. Néanmoins, je les entends encore : mon nom, des pleurs, des cris... Un étau se resserre autour de mon corps. J'ai l'impression d'être plongé dans la mer et d'être violemment ballotté par un tsunami. Un haut-le-cœur me prend. Le sinistre bruit d'un os cassé me parvient. Il est accompagné d'un terrible hurlement tortueux. Ma cage thoracique est parcourue d'un élancement transcendant. Ma gorge me brûle, submergée par la matière du monstre.
Tour à tour, on vient me rendre visite : convulsions, douleur, détresse.
Et enfin, noir.