CHAPITRE II :
J’ai toujours adoré les douches froides. Non ce n’est pas vrai, mais j’aime bien l’ironie et le sarcasme, c’est subtil. Malgré que ma situation familiale soit risible, il n’y a que mon propre humour pour me faire rire dans cette maison de fous. Je viens de sortir de la bassine qui sert de baignoire et par conséquent, je suis plantée au milieu du tapis de cheveux bruns. C’est dégoutant. En plus ils s’accrochent aux pieds mouillés.
Et ce ne sont pas les miens. Les cheveux je veux dire, pas les pieds. Moi je suis rousse. J’aime bien ma couleur, ça met un peu de vie dans mon look sombre. En plus c’est chouette à Halloween, en orange et noir, je m’accorde aux citrouilles.
J’essayais de retirer ces trucs répugnants d’entre mes orteils quand le téléphone se mit à sonner. Vous ne pensez tout de même pas que j’allais décrocher ? La salle de bain est la seule pièce chauffée de cette appartment, et je ne la quitterais pas avant que mon père veuille aller aux toilettes.
Une sonnerie, puis deux, enfin la troisième. Il n’y en a que quatre normalement.
« Ils abusent » pensais-je en sortant de mon sauna – on aurait pu comparer la salle de bain à un sauna en connaissant la différence de température entre cette pièce et le reste de la maison.
Je m’enroulai dans un drap de bain, ce qui est assez inconfortable pour courir, sachant que je devais tenir la serviette au niveau de ma poitrine pour ne pas me retrouver complètement nue.
Je suis arrivée au combiné en dix secondes, le temps de glisser deux fois à cause des extraits de crinières sous mes pieds, d’emjamber trois piles de linge sale, de trébucher quelques fois sur des rallonges électriques, de me cogner le petit orteil au meuble de la cuisine, de donner un coup de pied au chat pour qu’il me laisse passer et de glisser une dernière fois. Je suis presque une athlète.
« - Oui ? lâchais-je en reprenant mon souffle.
- Bonjour, suis-je bien chez Mademoiselle Paola Fionelli ? avait demandé dans ma langue maternelle une femme que j’imaginais blonde.
- Oui, oui c’est moi. Qui êtes-vous ?
- Je suis la professeur d’italien du lycée français avec lequel votre établissement scolaire a un appariement, m’expliqua-t-elle, je me permet de vous appeler pour vous donner le nom de votre correspondant français. »
J’écarquillai les yeux, et m’empressai de prendre un morceau de papier et un stylo. Je parle très bien le français. Cette langue est plus rebelle et plus intimidante que l’italien. Le mieux, c’est de parler français, avec l’accent sicilien, comme les mafieux. Ça c’est la classe !
« - Je vous écoute.
Elle s’apelle Cléo Nomade. C’est une jeune fille charmante, et elle est impatiente de vous rencontrer. Je vous envoie tout de suite sa fiche par E-mail.
- Merci beaucoup Madame, la remerciais-je à la façon des criminels de Siracuse.
- Avec plaisir Paola, pouffa-t-elle, au revoir ».
Elle raccrocha. Je ne me souviens pas avoir senti une quelconque émotion en ce moment. Si j’avais été heureuse, je n’aurais pas pu sourire, à cause des crevasses de mes lèvres, et si j’avais été triste, mes larmes noires d’eye-liner se seraient congelées avant même d’avoir coulé sur ma joue,.
Il n’y avait personne autour de moi. Mes parents étaient certainement partis faire des courses. Ce qui était assez surprenant, mais pas pas stupide, puisque avec ce froid, et en cette période de l’année, les magasins sont chauffés.
Je rehaussai ma serviette en me dandinant en direction de ma chambre. Il faisait encore plus froid là dedans ! Chaque fois que je voyais le vide de cette pièce, je ne sentais comme étrangère à ce lieu. C’était déprimant et dégradant.
J’enfilai un sous-pull blanc à col roulé, le plus épais que j’ai pu trouvé et rentrai un jean dans mes Santiags. Sur le seul meuble de ma chambre, qui est en fait mon lit, ce qui fait que cette cellule peut se voir décerner la définition de « chambre », était posé mon gilet marron aux motifs tribaux, celui qui a une capuche avec de la fausse fourrure. Du moins j’ose espéré que ce n’est pas de la vraie. Je posai la veste sur mes épaules, et là… J’ai cru voir apparaître dans ma tête, un genre d’écran, comme ceux des ordinateurs ou des machines d’analyses à l’hôpital, sur lequel on lisait « Décongélation terminée ». C’est du sarcasme, oui, j’aime bien le sarcasme…
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Il venait de rentrer chez lui, et personne n’osait lui demander quoi que ce soit. Ils savaient tous qu’ils ne répondrait pas de toute façon. Mais ils ne comprendraient pas. Evidemment, il n’y avait rien à comprendre. Ce garçon là était tout simplement un monstre, mais personne ne voulait se l’avouer. Sa personnalité toute entière était affectée, et il ne changerait probablement jamais. Sa mère pleurera, son père criera, et ça sœur partira. Ainsi sera la suite des évènements.
Il avait à la main les clés de son scooter, qu’il lança violemment par la porte de sa chambre, avant de s’y enfermer. Pas un bonjour, pas un bonsoir, il retourne dans son trou noir.
Oui, il vit dans le noir. La lumière l’éblouit. Il n’a aucun problème de vue, c’est juste qu’il a perdu l’habitude de voir ses amis, et Dieu sait que ceux sont eux qui donnent de l’éclat à la vie. Mais lui, sa vie est sombre, lugubre, dangereuse, destructice et meurtrière. Son existence est plongée dans un mélange d’angoisse et de vengeance. Vengeance d’une partie qu’il est seul à jouer ? Vengeance d’une victoire contre l’As ?
Personne ne sait contre quoi il se bat. Il serait fort probable qu’il ne le sache pas lui-même. Mais pourquoi alors fait-il se qu’il fait ? Il n’y a sans doute aucune explication, si ce garçon est vraiment un monstre…